Foot aux JO : vers un retour aux sources ?

Article : Foot aux JO : vers un retour aux sources ?
Crédit: Christos Vittoratos via Wikimédia Commons
15 juillet 2024

Foot aux JO : vers un retour aux sources ?

Depuis son apparition en 1900, le football olympique a connu une évolution fascinante. D’abord réservé aux amateurs, il s’est ensuite ouvert aux professionnels en 1984, puis a adopté un format U-23 en 1992. L’article se propose d’évaluer la forme actuelle du tournoi olympique de football et explore des solutions potentielles pour redonner de l’intérêt à cette compétition…

Le football est présent aux JO depuis l’édition 1900 à Paris et est la première compétition de football international. Au départ, il était disputé par des équipes nationales et des clubs locaux, puis il est devenu un tournoi destiné aux équipes nationales. D’abord réservée aux joueurs amateurs de football, il s’ouvre aux professionnels à partir des Jeux olympiques de 1984.

Le tournoi olympique de football a connu plusieurs changements dans son histoire à cause de la professionnalisation du football et de la création de la Coupe du monde en 1930. La professionnalisation de ce sport dans les années 1930 a conduit à des tensions entre la FIFA et le CIO, ce qui a entraîné la suppression du football du programme olympique en 1932. Il a cependant fait son retour en 1936.

L’équipe d’Argentine de football, aux Jeux Olympiques de 1928. ©Creative Commons Attribution 2.0

Après la Seconde Guerre mondiale, les pays d’Europe de l’Est ont dominé le tournoi jusqu’en 1980, profitant du statut d’amateur de leurs meilleurs joueurs. Face à cette situation, le CIO a ouvert le tournoi aux joueurs professionnels en 1984. Cette décision a permis de rééquilibrer les forces entre les différentes sélections. Depuis 1992, le tournoi olympique est réservé aux joueurs de moins de 23 ans, avec la possibilité d’inclure trois joueurs plus âgés. Cette modification a permis d’accroître l’intérêt pour le tournoi et de mettre en avant de jeunes talents.

Le format actuel : une tribune pour la jeunesse

Le format actuel permet de donner une exposition à des joueurs un peu plus jeunes qui ne jouent pas les premiers rôles avec la sélection A ou même au sein de leur club. Par exemple, le tournoi olympique de Serge Gnabry en 2016 avec l’Allemagne est un cas d’école. En effet, avant ce tournoi, l’attaquant allemand sort d’à peine une vingtaine de matchs disputés en 4 saisons avec Arsenal et reste sur un échec cuisant en prêt au West Bromwich Albion. Cependant, il fera un tournoi énorme en finissant co-meilleur buteur du tournoi. Cette compétition le révèle aux yeux du monde et lui sert de lancement pour la suite de sa carrière.

Serge Gnabry lors des JO de Rio en 2016 ©Creative Commons Attribution 2.0

Cette exposition qu’offrent les JO est encore plus importante pour les équipes qui ne sont pas souvent habituées aux grands rôles lors des coupes du monde. Le niveau entre les grandes nations européennes ou sud-américaine et les autres sélections est réduit. On assiste ainsi à une compétition beaucoup plus disputée avec des surprises comme la victoire du Nigéria en 1996, du Cameroun en 2000 ou encore du Mexique en 2012. À chaque fois, des joueurs méconnus du grand public se font découvrir lors de ces épopées.

Mexique vs Sénégal, JO 2012 / Crédit : Wikimedia Commons

FIFA vs CIO, une guerre d’ego ?

Si, à la base, l’idée était de faire jouer des joueurs de moins de 23 ans en octroyant 3 places par sélection pour les joueurs de plus 23 ans, cette formule va vite montrer ses limites. L’une d’entre elles est que le tournoi olympique de football ne fait pas partie du calendrier FIFA ce qui permet aux clubs de pouvoir bloquer les joueurs pour le tournoi. La FIFA qui ne souhaite pas avoir une compétition concurrente à la Coupe du monde de football a décidé de ne pas intégrer le tournoi olympique à son calendrier. Cette situation contribue à affaiblir énormément le casting du tournoi olympique : à chaque décision, les sélections dominantes sont parfois obligées de jouer avec des troisièmes choix. La sélection de la France lors des JO de Tokyo est un des exemples les plus marquants. L’équipe entraînée par Sylvain Ripoll avait présenté un effectif pratiquement décimé, ce qui avait entraîné l’élimination de la France dès le premier tour. En gardant le format actuel et en intégrant le tournoi olympique dans le calendrier FIFA, le tournoi gagnerait sûrement plus en attractivité. 

Final des JO 2016 entre l’Allemagne et le Brésil ©Creative Commons Attribution 3.0 br

L’autre limite de ce format est la surexposition de plus en plus tôt des jeunes joueurs. Aujourd’hui, à 22/23 ans, les joueurs de foot ont déjà 3 à 4 saisons professionnelles dans les jambes et sont déjà connus du grand public. En plus, ils sont déjà des joueurs majeurs de leurs clubs et ces derniers ne sont pas disposés à les laisser partir. Le tournoi est ainsi pénalisé puisque les meilleurs de la catégorie ne le disputent pas régulièrement souvent. Dans certains cas l’équipe qui participe aux qualifications est complètement différente de celle qui dispute le tournoi final.

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Une approche de solution inédite

Une première approche de solution pour redonner de l’attractivité au tournoi olympique de football est d’obliger les clubs à libérer leurs joueurs pour la compétition. Si la FIFA ne souhaite pas intégrer ce tournoi dans son calendrier, d’autres mesures peuvent être prises pour permettre d’avoir un meilleur casting lors de la compétition. Une de ses mesures serait de suivre le modèle espagnol qui oblige tous les clubs de football espagnol à libérer les joueurs espagnols pour le tournoi olympique lorsqu’ils sont convoqués. Ce modèle peut être répandu à toutes les fédérations, cela permettrait d’avoir de meilleurs joueurs pour le tournoi et ne dénaturerait pas le format actuel. Cependant, cette option serait confrontée à quelques limites, notamment pour les joueurs non-européens évoluant en Europe, les clubs n’ayant l’obligation de libérer que les joueurs locaux du championnat. Bien que cette option semble intéressante et puisse être grandement améliorée, nous avons décidé de partir sur une option totalement différente et particulière : la promotion du football amateur aux JO.

Retour d’une philosophie perdue

Afin de sauver le football aux Jeux olympiques, il serait bien de revenir un peu sur la philosophie des origines des Jeux olympiques modernes qui voulait que cette compétition soit disputée par des amateurs. Cette piste peut être creusée pour revisiter le format du tournoi olympique de football. Si le football est devenu un sport hautement professionnel avec des ligues professionnelles aux 4 coins du monde, il existe énormément de ligues amateures ou encore semi-professionnelle à travers le monde et donc beaucoup de joueurs de foot qui n’évoluent pas à un niveau professionnel. Ces joueurs peuvent servir dans des équipes nationales amateures qui disputent les qualifications et le tournoi olympique de football. Il existe déjà ce genre de sélection dans certains pays comme l’Angleterre qui a aujourd’hui une équipe appelée “England C” qui est composée des joueurs amateurs et semi-professionnels du football anglais (joueurs évoluant en 5e division anglaise et moins). Elle dispute des matchs et des tournois au cours de l’année.

Logo d’une ligue amateure ©Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0

D’autres pays, notamment britanniques, disposent également du même genre de sélection (Écosse, Pays de Galles.). L’idée est de faire du tournoi olympique de football une compétition où s’affrontent les sélections de ce genre pour chaque pays. Il faudra au préalable un rééquilibrage de la part de la FIFA au niveau de la formation des sélections, par exemple. Des sélections comme Gibraltar où encore îles Samoa pourront évoluer avec les joueurs de leurs premières divisions, là où la sélection française concernerait les joueurs évoluant en national ou en national 2. Le processus de sélection doit être fait en fonction du niveau de compétitivité des différents championnats. La FIFA doit juste préciser une liste des championnats qu’elle évalue comme étant amateurs, où les joueurs seraient autorisés à disputer le tournoi olympique.

Des joueurs et des clubs dévoués

Cette nouvelle version du tournoi olympique compenserait les différents manques du format actuel, puisque les présidents des clubs amateurs seront plus disposés à libérer leurs joueurs pour le tournoi olympique. Les joueurs amateurs qui représentent leur pays dans de grands stades et dans une grande compétition comme les JO donneraient une autre dimension à ce tournoi. De plus, des joueurs amateurs auront une grande exposition auprès du grand public et des recruteurs et certains pourraient même signer dans des divisions professionnelles au sortir du tournoi. C’est également un format qui permet de faire la promotion du football amateur qui est souvent délaissé et qui cadre bien avec la philosophie de base des Jeux olympiques.

Le football aux Jeux olympiques a connu une histoire riche et mouvementée, marquée par des changements de format et de statut. Si le tournoi actuel a permis de mettre en avant de jeunes talents et de créer des surprises, il souffre également de certaines limites. L’idée d’un retour à un tournoi amateur, où des joueurs non-professionnels représentent leur nation, pourrait redonner du sens à cette compétition et lui permettre de retrouver son identité originelle. Cela permettrait de mettre en lumière des joueurs et des ligues souvent oubliés, tout en s’inscrivant dans la philosophie des Jeux olympiques. Un tel changement ne sera pas facile à mettre en place, mais il est indispensable pour sauver le football aux Jeux olympiques et lui permettre de briller à nouveau sur la scène internationale.

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